Biodiesel: chronique d’une tragédie environnementale annoncée ?

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De nombreux échos évoquent que nos moteurs diesel, avides de biocarburants (appelés dans ce cas « biodiesel »), engendrent par effet collatéral des « importations massives d’huile de palme vers la zone euro et seraient ainsi responsables de déforestation ». Mais est-ce si simple que cela ? D’autres matières végétales sont-elles concernées ?  Au fond, qu’est-ce qu’un biodiesel ? Aucune législation ou réglementation ne contrôle ces importations ?

Entre faits et opinions, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans ce vaste sujet. C’est le décryptage que nous vous offrons aujourd’hui. 

 

Biodiesel, diesel : existe-t-il une différence ?

 A la fin du 19èmesiècle, Rudolf Diesel met au point un nouveau type de moteur, qui porte son nom. A cette époque, ce moteur est alimenté par de l’huile d’arachide. Progressivement, cette huile d’arachide, pour des raisons économiques, va être remplacée par des combustibles d’origine fossile appelés « gasoil » ou « diesel » en fonction des pays.

Il est donc logique que des années plus tard, dans une quête de carburants alternatifs non fossiles aidant à « décarboner » le secteur du transport, les chercheurs et industriels se soient tournés vers des options à base d’huiles végétales pour alimenter les moteurs diesels de nos véhicules.

Ces carburants alternatifs, d’origine végétale, sont désignés sous le terme générique de biodiesel. Ils sont généralement obtenus par la conversion chimique de certaines huiles en FAME (acronyme désignant des mélanges d’esters d’acides gras – Fatty Acids Methyl Esters an anglais) qui sont les composants du biodiesel. Cette conversion, qui peut être obtenue avec de bons rendements, s’effectue en traitant des huiles végétales avec un catalyseur acide et un excès de méthanol. [1]

Le biodiesel est donc une matière transformée, issue du végétal, qui possède une composition chimique bien distincte de celle du diesel conventionnel qui est obtenu par raffinage pétrolier. Le diesel contient des quantités de soufre qui se doivent d’être éliminées par des procédés adaptés, alors que le biodiesel ne contient pas (ou très peu) de composés soufrés (Figure 1). Rappelons que si un carburant contient du soufre, sa combustion entrainera en plus des émissions d’oxydes de soufre (SOx), toxiques tant pour l’environnement que pour la santé humaine.

Figure 1. Schéma simplifié de production de biodiesel au départ d’une ressource oléagineuse

A côté des FAME, il existe également un autre type de diesel appelé XTL, qui est un diesel dit « de synthèse ». Celui-ci peut être obtenu au départ de biomasse végétale (mais pas que, puisque ce XTL peut aussi être produit au départ de charbon et de gaz naturel) par des procédés différents, faisant intervenir des hautes températures et des réactions particulières appelées réactions de Fischer-Tropsch.

En 2019, en Belgique, le biodiesel FAME (issu des huiles végétales) se retrouve distribué à la pompe en mélange avec du diesel de roulage traditionnel.[2] Le diesel B7 correspond ainsi à 7% maximum en volume de biodiesel FAME mélangé avec du diesel conventionnel (Figure 2).

Figure 2. Schéma simplifié de manufacture de diesel B7 comme carburant de roulage

Certains écobilans démontrent que le bilan énergétique du biodiesel oscille entre 2 et 3, ce qui signifie que pour produire entre 2 et 3 tonnes équivalent pétrole (tep) de biodiesel, il faut mobiliser 1 tep d’énergie. De façon intéressante, le biodiesel réduit les émissions de gaz à effet de serre de plus de 70% par rapport au diesel conventionnel.[3] Néanmoins, les coûts de production de ce biodiesel restent plus élevés que pour produire le même équivalent de diesel. Qui plus est, les moteurs diesels actuellement en circulation dans nos pays ne permettent pas de n’utiliser que du biodiesel dans leur usage. Enfin, les huiles végétales requises pour la production de biodiesel ont souvent été issues de l’agriculture intensive dont les impacts ne sont pas neutres sur l’environnement.

Le colza reste une des sources d’huile les plus intéressante pour la production de biodiesel, notamment en Europe (Tableau 1). Certains pays, comme la France entre autres, ont ainsi développé des filières efficaces huiles et protéines végétales à partir des années 90. Cette filière biocarburant représentait en 2017 plus de 70% des débouchés de la graine de colza et assure la survie de diverses activités agricoles connexes.[4]

Outre le colza, la Belgique manufacture également du biodiesel à partir d’huiles et de graisses usagées provenant des collectivités et des particuliers via les filières de recyclage et de tri sélectif.  En 2016, l’huile de colza transformée représentait plus de 82% de la composition du biodiesel mis à la consommation en Belgique avec 3% environ d’huiles et graisses usagées transformées. Cette tendance s’est maintenue en 2017 avec une baisse du taux d’incorporation des huiles et graisses usagées qui est tombé à 1%. En 2016, le biodiesel mis à la consommation en Belgique comportait environ 14% d’huiles de soja et de palme transformées. En 2017, cette proportion est montée à 17% environ en moyenne annuelle.

Tableau 1. Contenu en huile de certaines sources végétales et rendement annuel en huile estimé à l’hectare.

Quels volumes de consommation en Belgique ?

Le volume de biodiesel consommé en Belgique est nettement supérieur à celui du bioéthanol (qui est aussi un biocarburant mais qui est cette fois mélangé à l’essence). La consommation en biodiesel a ainsi augmenté entre 2015 et 2016 passant de près de 217 000 à 390 000 tonnes d’équivalent pétrole. Cette tendance est ensuite apparue légèrement à la baisse entre 2016 et 2018 (Figure 3).[5]

 Figure 3. Évolution de la consommation en biodiesel en Belgique entre 2015 et 2018. (Source : Statista, 2019)

A côté des États-Unis (dont la production en biodiesel en 2018 s’élevait à 6,9 milliards de litres), l’UE apparait comme un des plus gros producteurs au monde en biodiesel avec une production estimée à 14,7 milliards de litres. L’Allemagne a, à elle seule, produit pas moins de 3,5 milliards de litres en 2018. (Source : Statista, 2019). La production européenne se répartit sur près de 120 unités de production localisées majoritairement en Allemagne, en Italie, en France, en Autriche et en Suède. Cette production de biodiesel est assurée au départ de matières premières oléagineuses (colza, tournesol, etc.) cultivées sur environ 3 millions d’hectares de surfaces arables en Europe.[6] Par ailleurs, dans la cadre de la PAC (Politique Agricole Commune), des incitants pour la production de ressources oléagineuses sur des terres en jachère et sur des sites marginaux sont préconisés.

 

Une paradoxale importation

 Il apparait que les capacités de production des unités localisées en EU-28 ne sont pas pleinement « opérationnelles » depuis plusieurs années faute de possibilités de commercialisation. Et cette tendance ne fait que se confirmer. Paradoxalement, l’EU-28 a ainsi vu ses importations en biodiesel exploser depuis 2018 avec un total estimé à près de 3,7 milliards de litres, c’est-à-dire près de trois fois plus que pour l’année de référence 2017. Les importations se focalisent sur trois pays majoritairement à savoir l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique. La raison : ces trois pays possèdent des capacités de stockage notables dans leurs zones portuaires et permettent donc de dispatcher ce biocarburant vers d’autres pays de la zone euro par voie maritime notamment. [7]

Sur base des données de Eurostat, il apparait que trois pays phares se positionnent comme des exportateurs privilégiés vers la zone EU-28. C’est le cas de l’Argentine, de la Malaisie et de l’Indonésie (Figure 4). En 2018, plus de 1,6 millions de tonnes de biodiesel ont été importés depuis l’Argentine et 785 000 tonnes depuis l’Indonésie. Cette tendance fait suite à la réduction et suspension en 2018 des mesures anti-dumping associées.

Figure 4. Illustration des quantités de biodiesel importées entre 2015 et 2018 (Source : Eurostat)

L’Argentine assure la production de son biodiesel majoritairement au départ d’huile de soja combinés à des initiatives de production au départ des huiles et graisses usagées issues des collectivités et des particuliers. A ce jour, plus de la moitié de la production de biodiesel argentin est destinée à l’exportation. Le système de taxation différentielle à l’exportation sur la chaine de valeur du soja, fortement critiquée par l’industrie européenne du biodiesel, explique la hausse des productions et exportations en biodiesel argentin. En clair, cela signifie que les produits issus du soja et hautement transformés sont moins taxés à l’exportation que des produits issus de la même matière première mais qui seraient plus bruts et moins transformés.[8]  C’est donc le biodiesel qui est importé vers l’Europe et non la matière première (qui aurait pu être traitée dans les unités de production européennes).

Pour l’Indonésie et la Malaisie, la situation est un peu « différente ». Dans ces deux pays, par le biais d’incitants politiques et de mesures gouvernementales, la production de biodiesel est assurée au départ d’huile de palme. Les mesures domestiques indonésiennes et malaisiennes favorisent au niveau local l’intégration de biodiesel dans le diesel de roulage à des valeurs supérieures à celles en vigueur en Europe. En 2020, le secteur du transport malaisien imposera un taux d’incorporation de 15% en volume de biodiesel dans le diesel conventionnel, tandis que l’Indonésie s’affiche avec un objectif B30 en 2020 (ce qui signifie un taux d’incorporation de 30% en volume en biodiesel).[9] L’Indonésie ne dispose pas de règlement spécifique fixant des critères environnementaux et de durabilité concernant le biodiesel consommé sur le marché domestique. Cependant, des programmes locaux de certification (régulant les émissions de gaz à effet de serre, veillant au maintien de la biodiversité et à la mise en place de mesures sociales destinées aux travailleurs et agriculteurs du secteur) sont mis en place pour la production et l’exportation d’huile de palme brute ou de biodiesel vers des pays exigeant des mesures et des critères de durabilité (comme c’est le cas des pays de la zone euro).

Au début de l’année 2018, le Parlement Européen a voté l’interdiction d’introduction d’huile de palme dans la formulation de biodiesel à partir de 2020. En juin 2018, après des objections émanant des grands producteurs mondiaux d’huile de palme, le parlement européen a décidé de postposer sa décision et de reporter le retrait de l’huile de palme du secteur de transport européen de 2020 à 2030.

 

Changement d’affectation des sols ?

Une nouvelle directive (Renewable Energy Directive 2018/2001) est adoptée en décembre 2018 par le Parlement Européen et le Conseil des Ministres de l’Union Européenne.[10] Cette directive, qui établit les lignes directrices quant à la promotion et à l’utilisation de l’énergie issue des ressources renouvelables au sein de l’Union Européenne, insiste à présent sur un certain nombre de critères dits de « durabilité » incluant notamment les impacts indirects négatifs que la production de biocarburants pourraient générer par changement indirect d’affectation des sols.

Les changements d’affectation des sols indirects sont une conséquence de l’installation d’une culture dédiée à la production de bioénergie ou biocarburants à la place d’une culture à destination du secteur de l’alimentation (humaine et animale) qui sera alors « déplacée » vers d’autres écosystèmes riches en carbone (forêts, prairies, etc.). A terme, les émissions de CO2concomitantes risquent donc d’annuler les bénéfices en termes de réduction des gaz à effet de serre émanant de l’usage de biocarburants. Ce changement d’affectation des sols indirect est particulièrement observé dans certains pays émergents ou en développement où les cultures énergétiques (notamment huile de palme) grignotent progressivement les zones boisées.

Pour éviter cette pratique, la nouvelle directive européenne impose à présent aux états membres des limites sur les quantités de biocarburants « à haut risque de changement d’occupation des sols indirect » qui pourront être pris en compte dans les calculs de la part des énergies renouvelables à atteindre dans le secteur des transports.  En clair, cela veut dire que la production de biocarburants au départ de matières dites à vocation alimentaire (carburants de première génération) sera gelée en 2020. Ces biocarburants de première génération ne devront en aucun cas dépasser les 7% d’intégration en volume dans le carburants classiques. Le biodiesel d’huile de palme doit disparaitre d’ici 2030. La part de carburants avancées/alternatifs (ceux par exemple issus de matières non alimentaires comme des résidus de récolte, des algues, etc.) devra atteindre au moins 3,5% en 2030.

En août 2019, la Commission Européenne faisait état de sa décision d’augmenter les droits de douane (de 8 à 18%) sur le biodiesel à base d’huile de palme en provenance d’Indonésie. La Commission Européenne a ainsi mis en évidence, pour les producteurs indonésiens de biodiesel, l’octroi de divers avantages fiscaux, de subventions et primes, et de prix d’achats des matières premières nettement inférieurs à ceux pratiqués sur le marché. Cette décision provisoire, visant à limiter les importations, sera réévaluée fin de l’année 2019.

 

Total, huile de palme et exonération fiscale ?

En France, le groupe Total a annoncé la reconversion de son site pétrolier de la Mède en unité de production de biodiesel au départ d’huile de palme avec une capacité de production annuelle fixée à près de 300 000 tonnes à destination notamment du marché européen.[11] Le 15 novembre 2019, les députés français ont massivement rejeté un amendement au projet de loi de finances 2020 qui visait à repousser à 2026 l’entrée en vigueur (initialement fixée au 1/1/2020) d’une mesure qui devait exclure l’huile de palme de la liste des biocarburants qui bénéficient d’une exonération fiscale.

La France opte ainsi pour de mesures encore plus anticipatives que celles décidées par l’Europe et qui prévoit le retrait de l’huile de palme du transport européen à 2030. Si cette mesure est maintenue, cela signifierait pour le groupe Total une perte de plus ou moins 70-80 millions d’euros par an.

 

Une demande qui se déplace vers les pays en développement 

Alors que, comme nous venons de le voir, la situation du biodiesel est complexe, sur fond de dumping, d’import-export et de limitation d’usage, diverses recherches scientifiques se concentrent encore sur le sujet. Entre 2015 et 2019, environ 18 900 articles scientifiques ont été publiés sur le biodiesel. C’est nettement moins les articles traitant du bioéthanol (environ 305 000 articles sur la même période) qui reste l’une des thématiques phares en termes de carburants alternatifs pour le transport.[12]La plupart des articles relatifs au biodiesel ont été publiés par des chercheurs et des groupes de recherches affiliés à des universités asiatiques (majoritairement indonésiennes, malaisiennes, et thaïlandaises). Les recherches concernent essentiellement l’optimisation de conditions de productions des FAME par un design de nouveaux catalyseurs ou une réduction des demandes énergétiques. D’autre part, un nouveau volet de la recherche scientifique est apparu sur les dix-quinze dernières années. Ce volet investigue l’usage de matières végétales alternatives pour la production de biodiesel, parmi lesquelles figure en tête de liste le jatropha (Jatropha curcas). Le jatropha est un arbuste adepte des climats tropicaux ou subtropicaux, de la famille des Euphorbiaceae. La culture du jatropha offre de multiples avantages. Ne nécessitant aucun pesticide ou herbicide, sa culture n’a pas besoin d’apports en eau importants. Cette culture s’adapte aux sols arides ou semi-arides impropres à la plupart des cultures vivrières. L’huile de jatropha, non destinée à un usage alimentaire, est obtenue avec de bons rendements à l’hectare (qui sont généralement le double de ceux obtenus avec de l’huile de colza) (Tableau 1).

La production de jatropha à des fins énergétiques a longtemps été promue par des pays asiatiques et notamment par l’Inde qui a focalisé de grandes attentions et certains investissements dans cette culture prometteuse. Le programme National Biodiesel Mission mis en place par le gouvernement indien en 2009 avait ainsi identifié le jatropha comme une ressource oléagineuse compétitive permettant d’atteindre les objectifs nationaux d’un biodiesel B20 en 2017.[13]Néanmoins, les cibles de ce programme ambitieux ne verront jamais le jour. En cause : de multiples inconvénients associés à la culture du jatropha, à son transfert à large échelle et à la difficulté de sensibiliser les communautés rurales à des objectifs liés aux bioénergies.

Selon les « Perspectives agricoles de l’OECD et de la FAO pour 2018-2027 », il apparait que la demande en biocarburants et notamment en biodiesel se déplace des pays les plus industrialisés vers les pays en développement qui mettent progressivement en place des programmes nationaux qui favorisent un marché domestique pour ces biocarburants.[14]La demande en biodiesel est donc annoncée en retrait tant en Europe qu’aux États-Unis ce qui va entrainer une baisse de la demande en huiles végétales. A l’inverse, le Brésil, l’Argentine, l’Indonésie et d’autres pays en développement vont voir leur demande en biodiesel croitre de manière hautement significative en raison de politiques nationales et d’incitants favorables.

 

Faut-il continuer à financer la recherche dans ce domaine ?

Face à ce constat, on pourrait ouvertement s’interroger sur la nécessité de maintenir des plans et des objectifs de recherche sur le biodiesel dans des pays industrialisés comme le nôtre.

Les travaux de recherche menés fin des années 90- début des années 2000 par équipes européennes ont été associés à la mise au point de nouveaux systèmes catalytiques efficaces et robustes pour permettre la conversion des huiles végétales en FAME. Néanmoins, depuis quelques années, les chercheurs se penchent vers une autre option stratégique : les micro-algues. Ces micro-algues qui démontrent des teneurs en fractions lipidiques qui peuvent représenter jusqu’à 50 fois la teneur en huile des graines de colza sur une surface équivalente offrent des avantages nets comparés aux cultures oléagineuses traditionnelles. Pouvant être cultivées même sur des eaux usées, ces micro-algues n’affichent pas de compétition avec les cultures vivrières traditionnelles et n’engendrent pas de changement indirect d’affectation des sols. Divers groupes industriels comme EXXON Mobil étudient cette piste avec le plus grand intérêt.[15]Les conditions de culture de certaines micro-algues s’adaptent parfaitement aux climats les plus ensoleillés et arides. Il est également possible de cultiver ces micro-algues en conditions contrôlées dans des réacteurs appropriés (photo-bioréacteurs).[16]

Cette production de biodiesel au départ de micro-algues est particulièrement mise en évidence par des pays comme la Chine, le Japon, le Canada, certains pays européens ou même certains pays en développement avec l’optique de cultiver les micro-algues sur des eaux usées (effluents des entreprises papetières très présentes au Québec, traitement des eaux usées issues de la culture de palmiers à huile, eaux domestiques usagées, etc.) en vue de les traiter, tout en produisant du biodiesel. Les recherches les plus récentes démontrent que la viabilité économique de ces initiatives d’algocarburants n’est pertinente que pour des unités de production à large échelle (environ 100 000 tonnes sur base annuelle), au détriment des unités de plus faible capacité de production.[17]La société Euglena, basée au Japon, offrait ainsi en 2015 une vaste opération de communication basée sur l’intégration efficace de biodiesel issu de micro-algues comme carburant de roulage pour des bus.[18]

Mais au-delà de cette initiative, les enjeux commerciaux sont d’envergure. Les Ministères japonais de l’industrie et des transports ambitionnent en effet d’utiliser les carburants issus des micro-algues dans l’aviation et d’y parvenir pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Car oui, au-delà du biodiesel, les chercheurs ont démontré que les ressources oléagineuses, riches en lipides, permettaient de formuler de nouveaux carburants pour l’aviation. En traitant les huiles extraites (tant de plantes à huiles que de micro-algues) par des procédés impliquant de l’hydrogène (H2), il est envisageable de produire des carburants (de type hydrocarbures) avec des teneurs nulles en soufre, en oxygène, en azote et en aromatiques, analogues des produits pétroliers classiques comme le diesel, l’essence ou les carburants pour aviation. (Figure 5). Ces nouveaux carburants sont développés par des groupes comme Total, Neste Oil ou Eni et sont désignés sous l’acronyme de HEFA (Hydroprocessed Ester and Fatty Acids) ou de HVO (Hydrotreated vegetable oils, connu aussi sous le nom de « diesel renouvelable »).

Figure 5. Illustration de la production de biodiesel (FAME) ou de diesel renouvelable / essence /carburant pour l’aviation par traitement en présence d’hydrogène.

 

Le mot de la fin 

Il apparait ainsi que les opportunités de production de biocarburants avancés au départ de ressources renouvelables oléagineuses sont multiples. Le « traditionnel » biodiesel se voit désormais détrôner par des ambitions économiques fortes comme les carburants pour l’aviation civile. La meilleure maitrise des conditions de culture et de conversion des micro-algues en produits énergétiques d’intérêt sont des options à privilégier pour assoir la viabilité économique de ces filières.

Si la demande en biodiesel semble stagner sur les pays industrialisés, le plus gros challenge pour la prochaine décennie sera de satisfaire la demande croissante en biodiesel dans les pays émergents. Les huiles de palme, de soja, voire de jatropha sont abondamment avancées comme des options dans les pays du sud, avec des risques accrus sur les écosystèmes si aucune mesure limitante n’est prise quant à une meilleure maitrise, et surveillance des pratiques culturales associées.

Enfin, une réglementation forte des pratiques d’importations de matières riches en huiles végétales ou en biodiesel produits hors Europe est à solliciter. Même si la nouvelle directive européenne impose des mesures réglementaires sur le sujet, il est du devoir de chaque état membre et de ses représentants politiques de prendre des décisions cohérentes, maitrisées et constructives pour positionner les nouveaux carburants comme des outils de lutte contre le réchauffement climatique et non comme des puits obscurs de pollution cachée.

 

Plus d’informations, une question ?

Si vous souhaitez de plus amples informations à ce sujet ou être tenus au courant des derniers développements, n’hésitez pas à nous contacter par mail via l’adresse  a.richel@uliege.be

 

Références et notes

[1]L.C. Meher, D. Vidya Sagar, S.N. Naik, Technical aspects of biodiesel production by transesterification—a review, Renewable and Sustainable Energy Reviews, Volume 10, Issue 3, 2006, Pages 248-268,

[2]https://economie.fgov.be/fr/themes/energie/sources-denergie/carburants/biocarburants/biodiesel

[3]Ne sont prises en compte dans cet écobilan que les émissions de CO2liées à la phase d’utilisation. Sont ainsi exclues de cette analyse les émissions de gaz à effet de serre relatives aux intrants, au transport de ceux-ci, etc. Ces émissions concomitantes peuvent être hautement contributives dans le cas de l’importation de matières végétales sur de longues distances notamment.

[4]http://www.fopoleopro.com/la-fop/nos-cultures/colza/

[5]https://www.statista.com/statistics/613299/biofuels-consumption-transport-belgium/

[6]Pour se donner une idée, la culture de blé rien que sur la zone Belgique, France, Allemagne, Pays-Bas, occupait en 2017 près de 9 millions d’hectares de surfaces arables (données de la FAO)

[7]https://data.europa.eu/euodp/data/dataset/wnR7d3IuQs2gQlVKJjmaA

[8]https://www.world-grain.com/articles/12574-focus-on-argentina

[9]USDA (United States Department of Agriculture) Foreign Agricultural Service – 2018 – Malaysia Biofuels Annual (Report number: MY8010 – publication: 19 December 2018) & 2019 – Indonesia Biofuels Annuals (Report Number ID1915 – publication: 15 July 2019)

[10]https://ec.europa.eu/energy/en/topics/renewable-energy/biofuels/sustainability-criteria

[11]https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/huile-de-palme-la-survie-de-la-mede-en-jeu-pdg-de-total-1882840.php

[12]Source : SciFinder, année de référence 2015-2019, tous types de publications confondus (articles, revues et brevets)

[13]https://mnre.gov.in/biofuels

[14]http://www.agri-outlook.org/fr/

[15]https://corporate.exxonmobil.com/research-and-innovation/advanced-biofuels/advanced-biofuels-and-algae-research#algaeForBiofuelsProduction

[16]Chun-Yen Chen, Kuei-Ling Yeh, Rifka Aisyah, Duu-Jong Lee, Jo-Shu Chang, Cultivation, photobioreactor design and harvesting of microalgae for biodiesel production: A critical review, Bioresource Technology, Volume 102, Issue 1, 2011, Pages 71-81,

[17]Jiaxin Chen, Ji Li, Wenyi Dong, Xiaolei Zhang, Rajeshwar D. Tyagi, Patrick Drogui, Rao Y. Surampalli, The potential of microalgae in biodiesel production, Renewable and Sustainable Energy Reviews, Volume 90, 2018, Pages 336-346,

[18]https://www.letemps.ch/sciences/bus-japonais-roulent-lalgue

 

 

 

 

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