Faut-il craindre les parabènes dans nos produits cosmétiques et de soin ?
Nous vous faisons part ici de la version expliquée et résumée en divers points clés visuels d’un article de revue paru il y a quelques semaines dans la littérature scientifique internationale. Cet article fait le point sur les parabènes, molécules souvent pointées du doigt pour leur toxicité et qui se retrouvent dans divers produits de notre quotidien.
Toutes les informations sont disponibles dans l’article d’origine et dans les références associées.
Matwiejczuk et al., Review of the safety of application of cosmetic products containing parabens, J. Appl. Toxicol. 2020; 40: pages 176–210.
Figure 1. Les parabènes en quelques données clés. (Copyright: A.Richel)
1. Les parabènes = une gamme de molécules biodégradables
Les parabènes désignent une classe de molécules possédant une structure chimique analogue, dont la solubilité dans l’eau est variable. Molécules résistantes sur une large gamme de pH et de températures, ces entités sont intégrées dans de nombreux produits cosmétiques ou de soin (crèmes, shampoings, déodorants, lotions, savons, etc.) où elles jouent le rôle de conservateurs, empêchant ainsi la croissance des moisissures, des levures et des bactéries. Le méthylparabène (MP) est le plus souvent exploité dans les formulations de soin en raison de son efficacité et de sa grande solubilité dans l’eau. Les parabènes sont connus pour leur bonne tolérance, induisant très peu de réactions allergiques.
2.Les parabènes sont sûrs et intégrés dans des formulations cosmétiques avec des normes strictes
La plupart des parabènes (dont le MP) sont reconnus comme « sûrs » par la FDA (Food and Drug Administration, États-Unis). La réglementation européenne autorise ainsi l’usage de parabènes à une concentration maximale de 0,4 % (sous forme acide) pour les esters simples et 0,8% (en tant qu’acide) pour les mélanges d’esters dans les préparations prêtes à l’emploi. Néanmoins, si les formulations cosmétiques ou de soin respectent les concentrations autorisées en parabènes, de nombreux rapports scientifiques suggèrent qu’une utilisation quotidienne et répétée de cosmétiques contenant ces composés expose le corps humain à des doses plus importantes, exerçant ainsi des effets nocifs sur le corps humain. La plupart de ces données ont été liées aux propriétés œstrogéniques des parabènes à chaîne aliphatique plus longue, bien que les esters à chaîne courte puissent également exercer des effets œstrogéniques, qui peuvent être liés au développement du cancer du sein, de l’obésité, ou de pathologies associées.
3. Les parabènes s’accumulent dans le corps et leurs effets sont complexes
De nombreuses études scientifiques ont mis en évidence que les parabènes sont rapidement absorbés par la peau et peuvent ainsi s’accumuler dans de nombreux tissus de notre corps. L’accumulation des parabènes dans notre corps dépend d’une part de la structure chimique du parabène concerné mais aussi d’autre part de la composition et formulation du cosmétique dans son ensemble. En clair, deux crèmes de soin pour le visage possédant des teneurs analogues en parabènes peuvent avoir des effets distincts, en lien avec la composition globale différente de ces crèmes de soin. La « texture » (crème grasse, hydrogel, etc.) de l’agent de soin influence ainsi l’interaction des parabènes avec le corps. Certaines molécules, communément retrouvées dans les formulations de soin, sont aussi connues pour augmenter l’accumulation de parabènes dans le corps. Il s’agit notamment de l’éthanol, de l’urée, ou du propylène glycol.
4. C’est notre usage excessif en produits de soin qui nous expose à des quantités trop importantes en parabènes
Aujourd’hui, une quantité énorme de nouveaux produits cosmétiques inonde le marché et divers médias encouragent constamment l’utilisation de produits de soin prometteurs pour se sentir en bonne santé, plus jeune, etc., d’où leur utilisation quotidienne en constante augmentation. Les concentrations d’ingrédients cosmétiques sont sous le contrôle du producteur, mais c’est le consommateur qui décide de la quantité et de la fréquence d’utilisation de tel ou tel produit cosmétique et qui, dès lors, s’expose de lui-même à des doses en parabènes supérieures aux limites conseillées. On parle alors dans ce cas de « doses cumulées« .
5. Les quantités de parabènes accumulées dans notre corps dépendant de l’agent de soin que nous utilisons et de sa fréquence
Parmi tous les produits cosmétiques analysés, les lotions corporelles nous exposent aux plus grandes doses cumulées en parabènes, suivies par les crèmes pour le visage et les crèmes pour les mains. Les expositions à ces parabènes contenus dans d’autres produits d’hygiène (notamment les déodorants, shampoings, etc.) sont significativement et nettement inférieures. On estime ainsi qu’un adulte s’expose chaque jour à des doses cumulées en parabènes variant entre 0,13 et 0,79 mg/kg de poids corporel par jour.
6. Les causes à effets entre parabènes et toxicité/maladies sont complexes à comprendre car dépendent d’une myriade de facteurs
Il est complexe d’obtenir des valeurs chiffrées précises et des relations de cause à effet rigoureuses entre l’exposition aux parabènes, leur accumulation dans les tissus et certains effets nocifs observés sur l’être humain. En effet, différents facteurs sont à prendre en considération tels que la composition globale de l’agent de soin utilisé, la nature et la quantité des parabènes qui y sont présents, la quantité appliquée chaque jour, la fréquence d’application, la combinaison éventuelle avec d’autres produits cosmétiques, l’âge, le genre, l’ethnie, etc. Peu d’études sont à ce jour reportées sur cette problématique mais certaines d’entre elles ont mis, par exemple, en évidence des accumulations différentes en parabènes entre des sujets asiatiques et caucasiens.
7. Les parabènes peuvent s’éliminer en partie dans les urines
Les parabènes peuvent être détectés dans les urines. Dans ce cas, diverses études ont souligné qu’il existait une corrélation entre la quantité en parabènes à laquelle un individu s’est exposé sur une base journalière et la quantité en parabènes détectés dans les urines. C’est particulièrement le cas pour des parabènes contenus dans des shampoings ou des produits de soins capillaires, ou des produits de maquillage.
8. Relation entre parabènes et cancer du sein
Les parabènes possèdent des propriétés oestrogéniques, plus ou moins marquées en fonction de la structure chimique du parabène. C’est particulièrement le cas du butylparabène (BP). L’exposition aux parabènes de cellules du sein cancéreuses augmentent leur prolifération. De nombreux rapports suggèrent l’existence d’une relation entre la présence de parabènes dans le tissu mammaire sous leur forme intacte et le risque accru de développement de la tumeur du sein. En raison de la zone (le quadrant extérieur supérieur du sein) de développement de la tumeur et des nombreuses preuves que les parabènes intacts accumulés dans le corps proviennent de produits cosmétiques, il a été spéculé que la présence de parabènes dans la tumeur est associée à l’application d’un déodorant ou d’un autre agent d’hygiène sous les bras et sur la zone adjacente de la poitrine. Les concentrations de parabènes détectées dans les tissus des tumeurs du sein diffèrent sensiblement en fonction de l’origine ethnique des femmes et de la méthode utilisée pour la mesure de ces composés.
9. Relation entre parabènes et fertilité masculine
En parallèle, les propriétés anti-androgènes des parabènes ont également été longuement étudiées. L’exposition à des teneurs importantes ou fréquentes en certains parabènes semble induire des troubles de la reproduction masculine dans les modèles animaux.
10. Vers le sans-parabène ?
Aujourd’hui, non seulement les chercheurs mais aussi un nombre croissant de consommateurs s’interrogent sur la sécurité des parabènes dans les cosmétiques. Les produits cosmétiques ne contenant pas de parabènes et portant la mention « sans parabènes » ont suscité beaucoup d’attention. Cependant, bien que non marqués, les produits cosmétiques peuvent contenir des parabènes ou d’autres conservateurs chimiques, tels que les isothiazolinones, le formaldéhyde ou des composés organiques halogénés, avec des effets indésirables sur la peau. Ces composés peuvent provoquer des réactions allergiques, et certains d’entre eux, comme le formaldéhyde, peuvent être dangereux pour la santé en raison de leur relation de cause à effet avec le cancer. Afin de minimiser l’utilisation de substances synthétiques nocives, les conservateurs naturels d’origine végétale ont fait l’objet de recherches scientifiques intensives et attirent de plus en plus l’attention de l’industrie cosmétique. Rappelons que même si elles sont végétales, issues de plantes, ces alternatives peuvent également poser des effets indésirables sur le corps humain, tant en termes d’allergies que d’effets à plus longs termes. Ceux-ci sont très peu connus à ce jour et se doivent d’être approfondis de manière immédiate et rigoureuse.