Le gaz naturel : opportunité énergétique ou désastre écologique ?

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Face à la nécessité imminente d’assurer nos besoins énergétiques, et aux flux contradictoires de décisions et de prises de positions socio-politiques, le gaz naturel apparait aux yeux de certains comme une opportunité grandissante pour sécuriser nos approvisionnements.

Ressource naturelle, le gaz naturel fait partie (avec le pétrole et le charbon) des réserves fossiles carbonées non renouvelables sur lesquelles reposent depuis plus de 2 siècles les secteurs de l’énergie (chaleur, électricité et transport) ou de la production industrielle.

 Si on peut avancer intuitivement que le gaz naturel est un émetteur présumé de dioxyde de carbone, il représente pour certains une solution « verte » et « durable ». Est-ce vraiment le cas ? Quels sont les arguments quantifiables qui permettent d’estimer l’impact environnemental global du gaz naturel ? Risque-t-on comme le pétrole de faire face à une « pénurie » programmée ? Comment fonctionnent les centrales au gaz ? Est-ce le même gaz naturel que le CNG retrouvé à la pompe pour le transport ? Autant de questions complexes auxquelles nous allons tenter de répondre clairement dans ce dossier.

Fredonia. Un nom qui ne vous évoque probablement pas grand-chose. Si je vous dis qu’il s’agit d’une ville, vous seriez même peut être incapables de la situer sur une carte du monde. C’est pourtant dans cette localité de l’État de New York que l’histoire du gaz naturel trouve son origine. En 1821, William Hart, considéré comme « le père du gaz naturel », met ainsi au jour le premier puits de gaz naturel après avoir observé que des bulles se formaient spontanément à la surface d’un ruisseau. Alors que la plupart du gaz naturel produit à cette époque était « fabriqué » à partir de charbon, cette découverte unique montre que cette ressource peut également être extraite du sol par forage. Néanmoins, même s’il est utilisé à cette époque comme source de lumière, le gaz naturel reste difficilement transportable sur des longues distances en raison de l’absence d’infrastructures (gazoducs) ad hoc.

A la fin du 19ème siècle, avec l’arrivée de l’électricité et la disparition des lampes au gaz naturel au profit des lampes électriques, les producteurs de gaz naturel sont contraints de chercher de nouvelles utilisations rentables. Il faudra attendre 1885 et les travaux de Bunsen pour que de nouvelles applications voient le jour. Mettant au point un appareil (connu sous le nom de bec Bunsen) qui permet de mélanger le gaz naturel avec de l’air dans de bonnes proportions, Bunsen démontre qu’il est possible d’obtenir une flamme qui peut être utilisée pour le chauffage et la cuisine, et ce en toute sécurité. L’invention quelques années plus tard des dispositifs thermostatiques de régulation de la température permettra d’encore mieux utiliser le potentiel du gaz naturel comme source de chauffage.[1]

Comme les infrastructures permettant de convoyer le gaz naturel restent manquantes, la plupart du gaz naturel mis à jour jusqu’au début du 20ème siècle est souvent brûlé ou largué dans l’atmosphère. Il faudra attendre la Seconde Guerre Mondiale et l’amélioration des techniques métallurgiques et de conception pour voir s’étendre des pipelines fiables et sécurisés qui vont permettre de transporter le gaz naturel sur des distances de plus en plus longues. On estime ainsi qu’en 2019, rien qu’aux États-Unis, près de 5 millions de kilomètres de gazoducs principaux relient les zones de production (et les installations de stockage) de gaz naturel aux consommateurs.[2]

Une fois le transport rendu possible de manière sécurisée et efficiente, le gaz naturel va devenir un choix énergétique de plus en plus populaire, trouvant des applications domestiques (pour chauffer les maisons, alimenter les chauffe-eau, les plaques de cuisson, etc.) ou industrielles (comme source d’énergie ou matière première dans des usines de transformation).

Le gaz naturel : une ressource inépuisable ?

Tout comme le charbon et le pétrole, le gaz naturel est une ressource naturelle non renouvelable, de nature fossile, composée  principalement d’hydrocarbures. Cette ressource gazeuse est naturellement présente dans certaines roches poreuses et est issue de la dégradation d’organismes vivants. Le gaz naturel représente la troisième source d’énergie primaire exploitée à l’échelle mondiale (environ 23% en 2018 contre 31,6% pour le pétrole).

Selon le BP Statistical Review of World Energy, les réserves prouvées totales en gaz naturel étaient estimées en 2020 à près de 188,1 milliards de milliards de mètres cubes avec près de 82% de ces réserves localisées dans des pays non membres de l’OCDE. Le ratio R/P, qui traduit le rapport entre les réserves prouvées et la production, est variable en fonction des régions du globe. Il est ainsi de 14,5 pour l’Europe, de 13,7 pour l’Amérique du Nord et de 70,5 pour la CEI (Communauté des États Indépendants à laquelle appartient la Russie). Ceci implique qu’au rythme actuel de production/consommation, les réserves de gaz naturel ne permettront plus à l’Europe d’assurer ses besoins que pour 14 années environ maximum, alors que la CEI pourrait se satisfaire des réserves prouvées actuelles de gaz naturel pour plus de 70 ans encore.[3]

Ces réserves prouvées en gaz naturel sont réparties de manière inégales entre les régions du globe. On estime ainsi que le Moyen-Orient détient à lui seul plus de 40% des réserves, suivi par la CEI avec 30%. Alors que l’Amérique du Nord figurait comme pionnier dans l’histoire de l’exploitation du gaz naturel, les réserves prouvées sur son territoire restent modérées (8%). L’Europe est en queue de peloton puisqu’elle détient les réserves les plus faibles de la planète (Figure 1).

Figure 1. Répartition des réserves prouvées en gaz naturel dans des régions clés du globe (exprimées en milliards de milliards de mètres cubes, année de référence 2020).

Il est important de mentionner que les réserves en gaz naturel restent mal « connues ». La découverte de nouveaux « réservoirs » notamment dans l’Arctique, ou l’exploitation de gaz non conventionnels tels que les gaz de schiste, ont eu une influence sur l’estimation de la quantité en réserves prouvées qui est ainsi revue à la hausse, passant de 138 à 179,9 milliards de milliards de mètres cubes entre 2000 et 2010.

La consommation estimée en gaz naturel pour 2020 à l’échelle mondiale est de 3822,8 milliards de mètres cubes, tandis qu’elle était de 3160 milliards de mètres cubes en 2010. La consommation actuelle se répartit de manière plus ou moins équitable entre les états membres et non-membres de l’OCDE (Figure 2).

Figure 2. Illustration de la répartition des consommations en gaz naturel dans des zones géographiques stratégiques.

Un gaz avec différentes compositions ?

Le gaz naturel est en réalité un terme générique, faisant référence à différents types de flux gazeux, composés majoritairement de méthane (CH4), issus de la décomposition d’anciens organismes vivants. Ces flux gazeux se distinguent par leur emplacement géologique et le type de réservoir duquel ils sont extraits et possèdent donc des compositions chimiques qui peuvent fluctuer. Il n’existe donc pas un, mais plusieurs gaz naturels.

La majorité du gaz naturel exploité à l’heure actuelle est appelé « gaz naturel conventionnel ». Il est présent dans des réservoirs situés dans les couches terrestres profondes et peut être qualifié soit d’associé (s’il est extrait proche d’un puits de pétrole avec lequel il se retrouve mélangé) soit de non-associé (s’il n’est pas associé à un gisement de pétrole).

Le gaz associé nécessite ainsi d’être « séparé » du pétrole avant exploitation. Le gaz non-associé est donc plus facile à exploiter puisqu’il ne nécessite pas d’être séparé du pétrole. C’est la raison pour laquelle le gaz naturel conventionnel non-associé constitue la principale source d’alimentation du gaz naturel en Belgique et dans le monde.

Figure 3. Illustration très simplifiée des différents types de « gaz naturel » on-shore.

La gaz naturel non associé est plus riche en méthane que le gaz naturel associé qui lui contient des parts importantes en hydrocarbures plus lourds. Le gaz conventionnel contient par ailleurs intrinsèquement des molécules soufrées et oxygénées telles que du dioxyde de carbone (Figure 4).

Figure 4. Composition typique moyenne du « gaz naturel »

Les gaz non conventionnels quant à eux se distinguent du gaz naturel conventionnel par la complexité (et donc le coût) des techniques d’exploitation. Ces gaz non conventionnels englobent ainsi le gaz de schiste, très connu du grand public et dont les réserves mondiales semblent immenses, exploité après fracturation hydraulique. On y retrouve aussi le gaz de charbon (aussi appelé gaz de houille) emprisonné dans le charbon et responsable des « coups de grisou » tant redoutés des mineurs. Appartiennent aussi à cette catégorie les hydrates de méthane, piégés à basse température et à haute pression dans certaines zones du globe, notamment en Russie ou en Alaska, dans le pergélisol ou sur le plancher océanique.[4] Ces réserves prouvées en hydrates de méthane étant supposées être 70 à 130 fois supérieures aux réserves en gaz naturel conventionnel, elles font l’objet de convoitises, d’enjeux économiques et donc de tensions géopolitiques.

Une fois le gaz naturel extrait de son réservoir naturel, divers procédés sont donc mis en œuvre afin de le « purifier » et de le rendre conforme aux standards et cahiers des charges requis pour diverses applications (Figure 5). Après élimination éventuelle des hydrocarbures plus lourds (notamment le pétrole dans le cas du gaz naturel associé), le gaz naturel subit diverses opérations éliminant ensuite les gaz non carbonés (comme le H2S).

Figure 5. Illustration de la production et de la distribution de gaz naturel commercial

Le gaz naturel, inodore, est ensuite (selon les applications) additionné d’un odorisant à l’odeur très caractéristique par mesure de sécurité. Il peut ensuite être envoyé vers le réseau sous forme comprimée pour des usages énergétiques. II peut également être convoyé vers des usines chimiques pour la manufacture de dérivés tels que le méthanol ou bien il peut être liquéfié (constituant ainsi le LNG en anglais, acronyme de liquefied natural gas ou gaz naturel liquéfié) pour être notamment acheminé par voies maritimes, dans des méthaniers, entre les pays producteurs et les pays consommateurs. Le port de Zeebruges est ainsi un des ports méthaniers stratégiques européens et permet la réception de méthaniers de très grosses capacités depuis 2019.[5]

LNG, CNG et LPG : c’est-à-dire ?   

Le LNG, comme nous venons de le mentionner, est du gaz naturel qui est maintenu à l’état liquide par applications de très basses températures (souvent en deçà de -160 °C). Plus facile à transporter que son équivalent gazeux, le LNG est donc un excellent vecteur de gaz naturel, permettant son transport, notamment par voies fluviales, entre les zones productrices et les pays consommateurs. Le LNG permet également de s’affranchir de l’usage de gazoducs.

En 2020, le volume des échanges mondiaux de LNG s’élevait à 488 milliards de mètres cubes (soit 13% de la consommation mondiale de gaz naturel). L’Australie est le plus gros exportateur au monde de LNG (exportant à lui seul près de 106,2 milliards de mètres cubes) tandis que le Japon est le principal pays importateur (102 milliards de mètres cubes).[6] Le Japon est par ailleurs le pays possédant le plus grand nombre de terminaux méthaniers (31 au total).

Outre ses applications directes dans l’énergie par regazéification et réinjection sur le réseau de distribution de gaz, le LNG peut aussi être exploité hors réseau comme carburant le transport routier, aérien/spatial ou maritime. En Belgique, la capacité de regazéification est ainsi estimée à près de 9 milliards de mètres cubes par an depuis 2009.[7]

Le LNG (qui donc contient majoritairement du méthane) ne doit cependant pas être confondu avec le LPG (qui est vendu dans nos pays à la pompe pour le transport routier notamment). Le LPG quant à lui est issu du pétrole et est composé d’hydrocarbures distincts tels que le propane ou le butane.

Le CNG (acronyme de Compressed Natural Gas) est la version « comprimée » du gaz naturel.[8] Pratiquement, il s’agit d’un gaz qui est maintenu dans des réservoirs sous haute pression (> 200 bars). En Belgique, le CNG est proposé à la pompe comme carburant de roulage. On estime ainsi qu’en Belgique, plus de 22.000 véhicules roulent à présent au gaz naturel.[9]

La Belgique : 100% dépendante de ses importations

La Belgique dépend pour plus de 95% de ses importations en énergies primaires, parmi lesquelles le pétrole et le gaz naturel restent les plus importées. La Belgique ne possédant aucune source de production propre, la totalité de sa consommation en gaz naturel se doit d’être importée.[10]

En Belgique, le transport du gaz naturel se fait par voie souterraine (gazoducs on-shore) via un réseau de près de 4000 km de long. Ce réseau livre aux différents consommateurs du gaz naturel provenant de points de production européens, tels que les Pays-Bas, l’Allemagne ou la Mer du Nord (Norvège) (Figure 6).[11] Des infrastructures sous-marines acheminent également le gaz naturel en provenance du Royaume-Uni et de la Norvège. Le réseau belge accueille aussi du LNG arrivant par méthaniers au port de Zeebruges (et en provenance notamment du Qatar). Dans notre pays, le gestionnaire indépendant de réseau du transport de gaz naturel est Fluxys, tel que désigné par le Gouvernement Fédéral.[12]

Figure 6. Gauche : Répartition des importations de gaz naturel (en %) en Belgique en fonction du pays d’origine (année de référence 2019, importation globale de l’équivalent de 248,4 TWh).[13] Droite : répartition des importations en gaz naturel (en %) en fonction du secteur d’application final.

La Belgique est par ailleurs une plaque tournante en matière d’acheminement de gaz naturel avec ses pays frontaliers. Le gaz en transit dans notre pays est ainsi exporté vers la France, l’Allemagne ou d’autres régions européennes.

Tandis que la plupart des consommateurs belges ont eu l’habitude historiquement d’utiliser du gaz naturel dit ‘pauvre’ (avec une teneur en méthane modérée) en provenance des Pays-Bas, l’épuisement progressif des réserves hollandaises pousse à s’orienter vers du gaz dit « riche ». Ce gaz riche, à plus haute teneur en méthane, avec un pouvoir calorifique qui est donc supérieur, est importé d’autres régions comme la Norvège, le Royaume-Uni, le Qatar et la Russie, ce qui change progressivement le panorama et le coût des importations au sein de notre pays.

N’étant pas présent dans tous les pays, le gaz naturel est donc sujet à des enjeux géopolitiques et économiques importants. Si l’importation de gaz naturel depuis des régions telles que la Norvège ne pose pas de problèmes particuliers, d’autres pays comme la Russie ont utilisé, pendant certains conflits ou négociations, le gaz naturel comme arme de pression vis-à-vis de pays importateurs ou de transit. Par ailleurs, le transport du gaz naturel par gazoducs, empruntant ainsi des « routes fixes » parfois sur des pays politiquement instables, peut être soumis à des pressions géopolitiques en cas de conflit.

Positionné par certains comme une alternative « plus verte » au charbon ou au pétrole,[14] et pouvant « compléter ou supplanter le nucléaire »[15], le gaz naturel est devenu ces dernières années un enjeu énergétique au niveau européen, mais également un gouffre en termes d’investissements. Depuis 2013, il est estimé que près de 5 milliards d’euros de l’argent des contribuables européens ont été dépensés depuis moins de 10 ans pour 41 projets gaziers (gazoducs et terminaux d’importation maritimes) dont plus de 440 millions d’euros pour des projets de gazoducs qui ne verront jamais le jour ou qui ne seront jamais achevés.[16]

L’Europe a néanmoins en juin 2021 confirmé son soutien financier à certains projets gaziers pharaoniques, justifiant que les gazoducs pourraient à terme être convertis (moyennant des adaptations techniques qui seraient soutenues jusqu’en 2028) pour le transport de l’hydrogène et que ces projets gaziers pourraient « continuer à transporter du gaz naturel mélangé à l’hydrogène jusqu’en 2030 ».

Le gaz naturel : l’enjeu des centrales thermiques

S’il a été décidé de sortir la Belgique de l’ère du nucléaire à court terme, les centrales au gaz figurent parmi les options de choix ciblées par les pouvoirs politiques pour maintenir notre sécurité en approvisionnement en électricité. L’Europe a ainsi validé fin aout 2021 le plan belge de financement de futures centrales au gaz.

Les centrales électriques au gaz naturel produisent de l’électricité en brûlant du gaz naturel (utilisé comme combustible). Il existe de nombreux types de centrales au gaz naturel, produisant de l’électricité à des fins différentes, mais fonctionnant toutes selon le même principe, à savoir l’utilisation d’une turbine à gaz.[17] Pratiquement, du gaz naturel est ajouté en mélange avec de l’air, qui brûle et se dilate à travers cette turbine, faisant tourner un aimant dans un générateur, produisant donc l’électricité. Ce processus génère de la chaleur perdue, en raison de la deuxième loi de la thermodynamique, qui peut éventuellement être récupérée.

Nécessitant peu d’investissements, rapides à construire, les centrales au gaz offrent des rendements thermodynamiques assez élevés par rapport à d’autres centrales électriques. Produisant moins de polluants azotés et/ou soufrés (NOx et SOx) ou de particules fines que le charbon et le pétrole, les centrales au gaz ont des émissions globales en gaz à effet de serre et particules fines nettement plus élevées que les centrales nucléaires.

Elles génèrent aussi d’énormes quantités de dioxyde de carbone, certes inférieures à celles des anciennes centrales au charbon. D’un point de vue chimique, la combustion en présence d’air ambiant d’un mètre cube de gaz naturel génère…. 1 mètre cube de dioxyde de carbone !

Qui plus est, le transport du gaz naturel de son lieu de production vers les centrales entraine des rejets considérables de méthane (qui rappelons-le est un gaz à effet de serre aussi, 34 fois plus puissant que le CO2 pour piéger la chaleur sur une période de 100 ans) qui s’échappe dans l’atmosphère.

Un carburant « pont » dans la transition écologique ?

Si certains estiment que le gaz naturel peut jouer un rôle dans la transition énergétique, notamment en remplaçant l’usage du charbon dans certains types de centrales, il ne représente en rien une solution viable sur le long terme comme l’ont démontré de multiples études réalisées par des centres de recherche spécialisés.[18] Ses avantages, en terme de réduction de certains gaz à effet de serre, ne sont pas suffisants pour soutenir nos objectifs de réduction des émissions de carbone. Cependant, avec un accroissement des investissements dans les installations au gaz naturel, les investisseurs cherchent de plus en plus à soutenir les marchés du gaz naturel le plus longtemps possible. La question est donc de savoir comment la pression exercée pour offrir des rendements élevés en capital sur les investissements aura un effet sur notre capacité à abandonner l’utilisation du gaz naturel, comme nous devons le faire, pour atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre sur le long terme.

Le gaz naturel émet entre 50 et 60% moins de CO2 lorsqu’il est brûlé dans une nouvelle centrale électrique (type TGV, Turbine Gaz Vapeur) que les émissions d’une centrale de nouvelle génération au charbon.[19] Dans le secteur du transport routier, l’usage de CNG permettrait de réduire de 20% les émissions de CO2 comparé à un véhicule diesel, sur la même distance.

Mais…. Attention ! Si elles semblent séduisantes, ces émissions ne sont estimées qu’en sortie de cheminées ou de pots d’échappement et ne prennent pas en compte l’ensemble de la chaine de valeur du gaz naturel, dont notamment son extraction et son transport. Ainsi tant le forage et l’extraction du gaz naturel, que son transport par gazoducs, entrainent des pertes significatives de méthane. Ces émissions dites « fugitives » représentent entre 1 et 9% des émissions totales du cycle de vie. On estime ainsi que, rien que sur le territoire américain, elles pourraient représenter près de 3% des émissions totales de gaz à effet de serre.

Pour limiter ces émissions fugitives, de nouvelles technologies existent, mais elles vont demander des investissements supplémentaires dans un secteur dans lequel des sommes financières colossales ont déjà été injectées. L’usage de LNG offre quant à lui une alternative permettant de contourner les fuites de méthane lors du transport via gazoducs. Cependant, la demande énergétique utile pour liquéfier le gaz naturel à basse température présente aussi un impact environnemental non négligeable.

Le mot de la fin

Au terme de ce dossier sommaire et simplifié, il semble important de rappeler les points clés suivants :

Il n’existe pas un seul, mais plusieurs « gaz naturels », avec des compositions chimiques légèrement variables. Gaz d’origine fossile, non renouvelable, la combustion (en présence d’air ambiant) d’un mètre cube de gaz naturel génère un mètre cube de dioxyde de carbone.

Ressource dont les réserves prouvées ne cessent d’augmenter au fil des années (avec la découverte de nouveaux réservoirs et l’amélioration des techniques d’extraction), le gaz naturel est principalement réparti au Moyen-Orient (Iran, Qatar, entre autres) et en Russie. La Belgique ne détient aucune source de production propre et est donc totalement dépendante des importations, qu’elles soient réalisées via des gazoducs ou bien par les voies maritimes, sous forme de gaz liquéfié, par méthaniers dans le port de Zeebruges.

Considéré comme un carburant « pont » efficace dans la transition énergétique, le gaz naturel a fait l’objet d’investissements mirobolants ces dernières années. La pression exercée par certains investisseurs sur des projets gaziers en cours ou en devenir explique notamment la volonté de maintenir ce gaz fossile dans les débats énergétiques en cours.

L’impact global du gaz naturel est loin d’être négligeable. Même s’il émet moins de gaz oxygénés (comme le CO2, ou bien les NOx et SOx), le gaz naturel présente sur l’ensemble de sa chaine de valeur un impact environnemental significatif, lié d’une part aux fuites de méthane dans l’atmosphère et d’autre part à la demande énergétique importante utile à sa production ou son transport (s’il est liquéfié).

L’usage de gaz naturel dans des installations industrielles ne peut donc être envisagé par les scientifiques que de manière limitée, en complément avec d’autres combustibles, et moyennant le déploiement immédiat d’outils performants et viables de capture du dioxyde de carbone.

Vous souhaitez plus d’informations sur ce sujet ?

 N’hésitez pas à me contacter via l’adresse email suivante: a.richel@uliege.be ou via le formulaire disponible en cliquant ici.

Références et notes

[1] http://naturalgas.org/overview/history/

[2] https://www.eia.gov/energyexplained/natural-gas/natural-gas-pipelines.php

[3] https://www.bp.com/content/dam/bp/business-sites/en/global/corporate/pdfs/energy-economics/statistical-review/bp-stats-review-2021-natural-gas.pdf

[4] Methane Gas Hydrate: as a Natural Gas Source. In: Methane Gas Hydrate. Green Energy and Technology. Springer, London. https://doi.org/10.1007/978-1-84882-872-8_4

[5] https://www.fluxys.com/fr/news/fluxys-belgium/2019/190729_news_first_jumbo_carrier_zeebrugge

[6] https://www.statista.com/statistics/264000/global-lng-trade-volume-since-1970/

[7] https://www.gas.be/fr/materielpedagogique/a-propos-du-gaz/transport-et-stockage

[8] Le CNG (qui provient donc d’une source fossile) ne doit pas être confondu avec le bio-CNG qui lui est produit à partir via les unités de biométhanisation par fermentation de déchets organiques.

[9] https://www.energuide.be/fr/questions-reponses/la-voiture-au-gaz-naturel-ou-au-cng-une-reelle-alternative/198/

[10] https://www.worldometers.info/gas/belgium-natural-gas/

[11] https://www.gas.be/fr/materielpedagogique/a-propos-du-gaz/transport-et-stockage/transport-en-belgique

[12] https://www.fluxys.com/fr/company/fluxys-belgium

[13] https://www.febeg.be/fr/statistiques-gaz-0

[14] Article de presse : https://www.dhnet.be/conso/prixenergie/le-gaz-naturel-plus-vert-que-vous-ne-l-imaginez-5f55dd93d8ad586219f6fe5a

[15] https://plus.lesoir.be/366796/article/2021-04-16/energie-le-gaz-naturel-et-le-nucleaire-sont-ils-des-investissements-verts

[16] https://www.euractiv.fr/section/energie/news/les-pays-de-lue-acceptent-de-prolonger-le-financement-de-certains-projets-gaziers-sous-reserve-de-certaines-conditions/

[17] https://energyeducation.ca/encyclopedia/Natural_gas_power_plant

[18] Pathways to Deep Decarbonization in the United States, James H. Williams, et al., (2015).

[19] National Energy Technology Laboratory (NETL). 2010. Cost and performance baseline for fossil energy plants, Volume 1: Bituminous coal and natural gas to electricity. Revision 2. November. DOE/NETL-2010/1397. United States Department of Energy.

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