Le trou dans la couche d’ozone : cicatrice refermée ou menace persistante ?
Il y a près d’un demi-siècle, une annonce fracassante faisait trembler la planète : un trou gigantesque venait de se creuser dans la couche d’ozone, ce bouclier invisible qui nous protège des rayons UV mortels. Le monde découvrait à la fois l’existence de cette couche essentielle et sa vulnérabilité face à des produits de tous les jours, comme les aérosols et les gaz réfrigérants. Ce choc mondial a déclenché une prise de conscience écologique sans précédent, menant à des interdictions radicales de mise sur le marché de certains composés synthétiques et à la signature de protocoles mondiaux. Pourtant, aujourd’hui, ce problème semble avoir disparu des radars. Pourquoi ce silence ? Ces actions ont-elles porté leurs fruits ? La menace est-elle réellement écartée ou avons-nous simplement cessé de nous en préoccuper ? Dans un monde focalisé sur la décarbonation, ce bouclier atmosphérique crucial a-t-il été relégué aux oubliettes ? C’est le point que nous abordons aujourd’hui.
Prologue
A la fin des années 1970, Jonathan Shanklin, météorologue de la British Antarctic Survey, est occupé à numériser les données provenant d’un instrument de mesure installé au cœur de l’Antarctique, à la station de recherche de Halley Bay. Isolé de toute influence urbaine, cet instrument a pour mission de mesurer les variations de la teneur en ozone atmosphérique. Quelque chose dans les flux de données chiffonne Shanklin. Après deux décennies de données relativement constantes, les niveaux d’ozone semblent soudainement chuter.
En 1984, l’ampleur du phénomène ne fait plus aucun doute ; la couche d’ozone au-dessus de Halley Bay a bel et bien perdu un tiers de son épaisseur par rapport aux décennies précédentes. Shanklin vérifie méticuleusement ses résultats et, l’année suivante, publie ses conclusions. Il établit un lien entre cet amincissement spectaculaire de la couche d’ozone et l’utilisation, à des milliers de kilomètres de là, de composés de synthèse appelés chlorofluorocarbures (CFC). Ces substances, couramment utilisées dans les aérosols, les réfrigérateurs et les systèmes de climatisation, semblent jouer un rôle-clé dans ce processus destructeur.[1] Cette découverte d’un trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique allait mettre en évidence les impacts des activités humaines sur l’environnement. Elle allait aussi ouvrir la voie à une prise de conscience globale. A l’approche de l’an 2000, cet éveil environnemental collectif allait pourtant s’étioler, laissant penser que le trou dans la couche d’ozone avait fini par se refermer.[2]
La couche d’ozone : un manteau protecteur
La couche d’ozone fait référence à une fine pellicule de l’atmosphère terrestre, située dans la stratosphère, à une altitude comprise entre 15 et 30 km (Figure 1a). Elle est principalement composée d’ozone (O3), un gaz formé de trois atomes d’oxygène. Bien que la concentration d’ozone y soit plus élevée que dans d’autres parties de l’atmosphère, elle reste extrêmement faible, de l’ordre de quelques parties par million (ppm) à quelques dizaines de ppm.
La couche d’ozone n’a pas toujours été présente dans l’histoire de notre planète. Elle est apparue bien après la formation de la Terre, lorsque les premiers organismes capables de photosynthèse ont émergé. En effet, la formation d’ozone nécessite la présence d’oxygène (O2), un gaz que seuls ces organismes photosynthétiques sont en mesure de produire en quantité suffisante. La formation d’ozone nécessite aussi la présence de rayonnements UV suffisamment énergétiques pour permettre aux molécules de O2 de se rompre puis de se convertir en ozone (Figure 1b).
Figure 1. (a) Localisation de la couche d’ozone ; (b) Schéma simplifié de formation de l’ozone atmosphérique en présence d’oxygène (O2) et sous rayonnements UV incidents.
De nos jours, dans la stratosphère, l’ozone se forme toujours en permanence selon le même principe. L’ozone se décompose aussi constamment. Il en résulte que, dans une atmosphère non polluée, la production et la dégradation de l’ozone sont en équilibre et se compensent parfaitement. Ceci implique donc également que, sans perturbation externe, la concentration totale en ozone dans la stratosphère devrait rester constante.
Des variations géographiques et saisonnières
L’ozone se forme surtout près de l’équateur, là où le rayonnement ultraviolet solaire, particulièrement puissant, touche notre planète de manière plus directe. L’ozone ainsi synthétisé est ensuite transporté par les courants atmosphériques dominants vers les régions polaires. Il en résulte que l’ozone se répartit de manière distincte en fonction des latitudes du globe (Figure 2). Les concentrations les plus élevées en ozone dans la stratosphère sont observées aux latitudes moyennes et au-dessus des pôles, tandis que les teneurs les plus faibles sont enregistrées dans les tropiques.
Pour quantifier cette teneur en ozone dans la stratosphère, il a été convenu d’utiliser l’unité Dobson (DU). Plus la valeur renseignée en DU est élevée et plus la couche d’ozone est épaisse au-dessus d’une région donnée. De manière simplifiée, 1 DU signifie que, si on ramenait au niveau du sol et si on comprimait tout l’ozone au-dessus d’une région donnée du globe, cela représenterait une couche d’une épaisseur de 0,01 mm. Aujourd’hui, de manière globale, les niveaux moyens mondiaux en ozone oscillent autour de 300 DU. Au niveau de l’équateur, la valeur enregistrée moyenne est, quant à elle, proche de 270 DU.
Figure 2. Visualisation de la variation de densité de la couche d’ozone en fonction de la latitude. Données récoltées en février 2023 par le satellite NOAA-21. Crédit : NASA/NOAA/JPSS.
L’épaisseur de la couche d’ozone fluctue également selon les saisons. Aux pôles, la concentration en ozone est plus élevée au printemps, en raison du transport de l’ozone des régions tropicales pendant l’hiver. En été, la lumière constante au pôle entraîne une dégradation naturelle de l’ozone, ce qui entraîne une diminution jusqu’à l’automne. Dans l’hémisphère Nord, l’ozone augmente ainsi durant l’hiver, atteint un pic au printemps, puis diminue pendant l’été et l’automne. Autour de l’équateur, les variations saisonnières de l’ozone sont moindres, car les changements d’ensoleillement et de transport d’ozone y sont moins marqués.[3]
Une pellicule vitale et fragile
Même si sa densité varie géographiquement et de manière saisonnière, la couche d’ozone stratosphérique exerce un rôle essentiel. Elle protège constamment les êtres vivants des rayonnements UV néfastes, notamment les UV-B qu’elle filtre à plus de 95% et les UV-C, les plus puissants, qu’elle bloque complètement. Sans couche d’ozone, la vie sur Terre ne serait pas possible, ou alors uniquement dans les océans à une profondeur inaccessible aux UV.[4]
Indispensable au maintien de la vie terrestre, la couche d’ozone est cependant très vulnérable. Elle peut être altérée de toutes parts, tant de l’extérieur que de l’intérieur. Par exemple, la couche d’ozone peut être gravement affectée lors du passage du système solaire au travers de nuages interstellaires.[5] Elle peut aussi et surtout perdre de son intégrité à cause de phénomènes internes tels que des processus naturels (éruptions volcaniques et feux de forêt) ou résultant de diverses activités humaines industrielles ou domestiques (Figure 3).
Figure 3. Illustration du rôle de la couche d’ozone et de sa dégradation par des phénomènes intra- et extraterrestres.
Puisque la couche d’ozone a pour rôle de filtrer le flux ultraviolet, toute perte d’ozone entraîne immédiatement une augmentation de la densité d’UV qui atteint la surface terrestre. Ceci induit un réchauffement local, mais aussi des dommages sur les végétaux et les êtres vivants (tels que des risques accrus de coups de soleil, de cancers de la peau ou de cataractes). Une exposition au soleil est dès lors déconseillée dans les régions où la teneur en ozone stratosphérique est plus faible.
Un trou au-dessous de l’Antarctique
Même si la couche d’ozone se répartit différemment en fonction des régions du globe, Jonathan Shanklin et ses collègues ont détecté, dans les années 80, une anomalie dans l’épaisseur de la couche au-dessus de l’Antarctique. Tandis que, précédemment, la teneur en ozone atmosphérique était souvent de 220 DU, elle venait de chuter sous la barre des 200 DU. Ce phénomène se répétait chaque printemps, sans exception. En 1982, la teneur en ozone avaient encore chuté et atteignait seulement 173 DU. Le phénomène semblait s’accentuer et la couche s’amincissait à vue d’œil. En 1983, la valeur était tombée à 154 et deux ans plus tard elle n’était plus que de 124. En 1991, le seuil d’ozone atmosphérique au-dessus de l’Antarctique passait pour la première fois sous la barre des 100 DU.
Les scientifiques ont qualifié cet affaissement des concentrations d’ozone stratosphérique, tombant en-dessous du seuil normal des 220 DU, de « trou dans la couche d’ozone ». Bien qu’il ne s’agisse pas littéralement d’un trou, cette métaphore illustre efficacement l’ampleur et la gravité de la diminution de densité de cette couche. Année après année, au printemps, il apparaît que le trou dans la couche d’ozone, au-dessus de l’Antarctique, n’a cessé de croître. En 1979, entre le 7 septembre et le 13 octobre, ce trou avait une superficie totale moyenne de 0,1 million de km2. Il est passé à 10,1 millions km2 en 1984, toujours à la même époque de l’année, avant d’atteindre une surface record de 24,8 millions de km2, soit près de 7 fois le territoire de l’UE, en 2000.[6]
L’illustration vidéo de la Figure 4 montre l’état du trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique de 1979 à 2023. On peut ainsi y voir l’évolution de la superficie du trou, de même que les valeurs minimales de teneurs en ozone correspondantes (exprimées en DU).
Figure 4. Visualisation de l’évolution de l’état de la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique, chaque année entre 1979 et 2023. Crédit : NASA’s Goddard Space Flight Center.[7]
Un trou dans l’Antarctique dont nous sommes responsables ?
Dès les années 1960, des recherches avaient révélé que les activités humaines contribuaient à cette destruction de la couche d’ozone. Au début des années 1970, il était déjà établi que les oxydes d’azote, des polluants atmosphériques étudiés notamment dans le cadre de l’évaluation de l’impact des premiers vols supersoniques comme le Concorde, étaient capables de décomposer l’ozone. [8], [9]
En plus des composés azotés, on avait découvert que les dérivés chlorés, et parfois bromés, participaient également à la destruction de la couche d’ozone. À cette époque, la production industrielle de chlorofluorocarbures (CFC) battait son plein. Entre 1950 et 1970, la production de ces composés synthétiques avait quintuplé, conquérant de nombreux marchés. Les CFC étaient alors largement utilisés dans des domaines variés : systèmes de climatisation, réfrigérateurs, congélateurs, nettoyants industriels, et même comme agents propulseurs dans les aérosols.
En raison de leur forte inertie chimique, les CFC pouvaient demeurer dans l’atmosphère pendant des décennies. Transportés par les courants atmosphériques, ils atteignaient la stratosphère, où ils se dispersaient sur de vastes distances, y compris dans des régions éloignées de leurs points d’émission. Le trou dans la couche d’ozone, particulièrement prononcé au-dessus de l’Antarctique, était étroitement lié au phénomène du vortex polaire. Pendant l’hiver austral, cette dépression stratosphérique créait une sorte de bulle hermétique autour de la région, favorisant ainsi une destruction accrue de l’ozone par les polluants chlorés.[10]
Ce sont donc bien les activités humaines, et notamment la consommation de CFC, dans les pays industrialisés de l’Hémisphère Nord qui sont à l’origine de la formation du trou dans la couche d’ozone. Cette découverte illustre ainsi, s’il fallait encore s’en convaincre, que les effets non soutenables des activités de consommation et de production peuvent se produire sur des distances très éloignées (répercussions à distance).
Une interdiction complète des substances altérant l’ozone
Puisqu’il était établi que certains composés de synthèse étaient responsables de la perte d’ozone au-dessus de l’Antarctique, l’arrêt de la production et de l’usage des CFC a été ratifié dès 1987 dans le Protocole de Montréal relatif à la suppression des substances qui endommagent la couche d’ozone. Dès 1996, les composés chlorés et bromés, tels que les CFC, les halons, le méthylchloroforme et le bromure de méthyle, ont été supprimés dans les pays développés. Ils ont été remplacés par des analogues, dont les hydrochlorofluorocarbures (HCFC) qui se décomposent dans la troposphère et les hydrofluorocarbures (HFC) qui ne contiennent pas de chlore et sont moins offensifs pour la couche d’ozone.
Figure 5. Évolution de la consommation en substances altérant l’ozone depuis la signature du Protocole de Montréal. Source : https://www.statista.com/chart/29118/ozone-depleting-chemicals/.[11]
En 2005, dans les pays signataires du Protocole de Montréal, la consommation de composés altérant la couche d’ozone avait ainsi diminué de 90 à 95% (Figure 5).[12] Malgré ces efforts, les modèles actuels confirment que la concentration en chlore (et en autres substances affectant la couche d’ozone stratosphérique) ne reviendra à des niveaux similaires à ceux d’avant les années 1980 que dans la seconde moitié du 21ème siècle .[13] Sans le Protocole de Montréal, la couche d’ozone mondiale aurait complètement été altérée, avec des teneurs en ozone qui auraient pu descendre sous les 100 DU dès 2050, même au niveau des tropiques (Figure 6).
Figure 6. Visualisation de l’évolution de la teneur en ozone stratosphérique mondiale dans le modèle actuel (en haut) et si la suppression des composés incriminés n’avait pas été ordonnée par le Protocole de Montréal (en bas). La valeur mentionnée est celle de la teneur moyenne en chlore dans l’atmosphère. Crédit : NASA’s Goddard Space Flight Center.[14]
Des menaces multiples
Bien que les substances responsables de l’appauvrissement de la couche d’ozone, telles que les chlorofluorocarbures (CFC), aient été interdites depuis plus de vingt ans, le trou dans cette couche ne s’est pas encore refermé. En 2024, le trou au-dessus de l’Antarctique a atteint sa superficie maximale le 28 septembre, s’étendant sur plus de 22,4 millions de km². Bien que cette étendue reste inférieure aux records enregistrés au début des années 2000 – période où la surface du trou dépassait légèrement les 25 millions de km² – elle souligne que la reconstitution de la couche d’ozone demeure un processus long et complexe. Certaines études prétendent que le trou pourrait être comblé après 2060.
Malgré une attention médiatique moindre, le trou dans la couche d’ozone reste une problématique environnementale non résolue. La menace persiste et pourrait même s’aggraver sous l’effet du réchauffement climatique. En particulier, la recrudescence des feux de forêt, dont la fréquence et l’intensité augmentent avec le changement climatique, entraîne des réactions chimiques hétérogènes dans la stratosphère, modifiant la concentration en ozone.[15] Par exemple, les feux de forêts survenus en Australie entre 2019 et 2020 ont contribué à la longévité inhabituelle du trou dans la couche d’ozone en 2020, en injectant dans l’atmosphère des quantités significatives de particules et de gaz induisant la décomposition de l’ozone.[16]
Par ailleurs, les activités spatiales émergent comme une nouvelle menace pour la couche d’ozone. En 2022, le Government Accountability Office (GAO) a alerté le Congrès des États-Unis sur les effets potentiellement délétères des lancements de fusées et des rentrées atmosphériques de satellites. Ces activités génèrent un mélange complexe de gaz, notamment des oxydes d’azote et du chlore, qui peuvent non seulement modifier les températures atmosphériques mais aussi accélérer la dégradation de la couche d’ozone. Avec l’augmentation prévue du trafic spatial, cette source d’impact pourrait devenir de plus en plus significative.[17]
Du « bon ozone » et un « ozone polluant » ?
Dans la stratosphère, l’ozone joue un rôle fondamental en protégeant la Terre des rayons ultraviolets (UV) du Soleil, ce qui justifie sa surveillance continue. Cette surveillance repose sur des mesures régulières de sa concentration, réalisées à l’aide d’instruments au sol ou de satellites spécialisés. Cependant, des quantités croissantes d’ozone (environ 10 % de la totalité de l’ozone terrestre) sont désormais détectées à des altitudes plus basses, dans la troposphère. À ces altitudes, l’ozone troposphérique a des effets néfastes sur les écosystèmes, l’agriculture et la santé humaine, en particulier en induisant des troubles respiratoires.
L’ozone troposphérique ne se forme pas par la même mécanisme que l’ozone stratosphérique. Contrairement à l’ozone stratosphérique, qui résulte de l’interaction de l’oxygène et des rayons ultraviolets (UV), l’ozone troposphérique est généré par des réactions complexes impliquant, entre autres, des composés organiques volatils (COV), du monoxyde de carbone (CO) et/ou des oxydes d’azote (NOx), principalement émis par les activités humaines. Ces substances, dont les sources majeures incluent les émissions industrielles, le trafic automobile et l’usage de combustibles fossiles, contribuent à la formation de cet ozone troposphérique qui a des conséquences négatives sur la qualité de l’air et la santé publique.
L’ozone troposphérique fait partie intégrante du smog, un polluant majeur dont la concentration a considérablement augmenté. Actuellement, les teneurs en ozone troposphérique sont 40% plus importantes que celles du début du 20ème siècle. Les concentrations les plus importantes sont enregistrées aux moyennes latitudes dans les pays les plus peuplés et les plus industrialisés de l’Hémisphère Nord. Cet ozone troposphérique est un acteur majeur du réchauffement climatique. Il contribue au forçage radiatif et est donc un puissant gaz à effet de serre.[18]
Une fois formé, l’ozone troposphérique ne parvient que très rarement à remonter vers la stratosphère. Ce transfert vertical n’est observé que dans certaines régions de convergence atmosphérique, où des courants ascendants peuvent entraîner l’ozone vers des altitudes plus élevées. Toutefois, ce processus reste limité. La majorité de l’ozone troposphérique demeure ainsi dans la troposphère, où il peut se déplacer sur de longues distances. L’ozone troposphérique se décompose ensuite sous l’action des rayonnements solaires après quelques jours (dans les couches inférieures de la troposphère) ou plusieurs mois (dans les régions les plus élevées), en raison de mécanismes photodégradatifs complexes. Cette décomposition, ainsi que le transport horizontal de l’ozone, sont cependant influencés par des facteurs météorologiques tels que l’humidité, la direction et la vitesse du vent, ainsi que la température.[19] Dès lors, tenter de résoudre le problème de l’ozone à l’échelle locale (par exemple en interdisant les voitures dans les villes lors des pics de pollution) s’avère illusoire, en raison de son transport horizontal sur de longues distances et des fluctuations des conditions météorologiques et climatiques.
Une situation paradoxale
L’ozone présent dans la stratosphère joue un rôle essentiel en contribuant indirectement au refroidissement de la Terre, car il absorbe les rayons ultraviolets (UV). En revanche, l’ozone troposphérique agit comme un gaz à effet de serre puissant, participant au réchauffement climatique. Son accumulation dans la troposphère renforce l’effet de serre et interagit avec d’autres gaz, tels que le dioxyde de carbone, influençant ainsi les températures et perturbant les systèmes climatiques. Par ailleurs, la destruction de la couche d’ozone stratosphérique, notamment au-dessus de l’Antarctique, a des répercussions importantes sur les schémas climatiques mondiaux.
Depuis 2014, les scientifiques ont constaté une légère augmentation de la concentration d’ozone dans la stratosphère. Cette amélioration est attribuée aux mesures internationales visant à éliminer les substances responsables de la dégradation de cette couche protectrice, notamment grâce à la mise en œuvre de protocoles comme celui de Montréal.
En tant que gaz à effet de serre, l’ozone joue un rôle dans les évolutions climatiques. Les études montrent que la diminution de l’ozone stratosphérique observée depuis les années 1970 a provoqué un effet de refroidissement relatif, en atténuant légèrement le réchauffement causé par la hausse des concentrations de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre. Cependant, avec la lente reconstitution de la couche d’ozone prévue dans les décennies à venir, cet effet de refroidissement devrait progressivement s’estomper.
Le mot de la fin
L’ozone est une molécule ambivalente dont les effets dépendent de sa localisation dans l’atmosphère. En stratosphère, elle joue un rôle vital en filtrant les rayons ultraviolets nocifs, tandis qu’en troposphère, elle agit comme un gaz à effet de serre puissant, contribuant au réchauffement climatique.
Affirmer que les actions collectives ont permis de résoudre le problème du trou dans la couche d’ozone est en partie juste. En effet, sans le Protocole de Montréal, la densité d’ozone stratosphérique aurait connu une chute dramatique au cours des décennies à venir, entraînant un réchauffement irréversible de la planète. Toutefois, présenter la récupération de la couche d’ozone comme un succès complet serait erroné, car la situation reste préoccupante.
Par ailleurs, se concentrer exclusivement sur la restauration de la couche d’ozone revient à négliger un problème tout aussi alarmant : l’augmentation de l’ozone troposphérique, directement liée aux activités humaines. Ce dernier, en raison de son origine anthropique, nécessite des efforts tout aussi urgents pour limiter ses impacts sur le climat et la santé.
Si les progrès réalisés en matière de protection de la couche d’ozone stratosphérique témoignent de l’efficacité des initiatives internationales, ils ne doivent pas masquer l’ampleur des défis encore à relever. Une approche globale et coordonnée est indispensable pour faire face aux problématiques complexes et interdépendantes liées à l’ozone et aux changements climatiques.
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Références et commentaires
[1] Farman, J., Gardiner, B. & Shanklin, J. Large losses of total ozone in Antarctica reveal seasonal ClOx/NOx interaction. Nature 315, 207–210 (1985). https://doi.org/10.1038/315207a0
[2] Stephen O. Andersen, K. Madhava Sarma, Lani Sinclair, Media coverage of the ozone-layer issue, Protecting the Ozone Layer, 1st Edition, Taylor and Francis (2002)
[3] https://csl.noaa.gov/assessments/ozone/2010/twentyquestions/Q4.pdf
[4] https://www.epa.gov/ozone-layer-protection
[5] Pavlov, Alexander & Pavlov, Anatoli & Mills, Michael & Ostryakov, Valery & Vasilyev, G. & Toon, Owen. (2005). Catastrophic ozone loss during passage of the Solar system through an interstellar cloud. Geophysical Research Letters – GEOPHYS RES LETT. 320. 10.1029/2004GL021601.
[6] https://ozonewatch.gsfc.nasa.gov/meteorology/annual_data.html
[7] https://svs.gsfc.nasa.gov/31253/#section_credits
[8] Johnston, H. Reduction of stratospheric ozone by nitrogen oxide catalysts from SST exhaust. Science 1971, 173, 517–522.
[9] Matthes, S.; Lee, D.S.; De Leon, R.R.; Lim, L.; Owen, B.; Skowron, A.; Thor, R.N.; Terrenoire, E. Review: The Effects of Supersonic Aviation on Ozone and Climate. Aerospace 2022, 9, 41. https://doi.org/10.3390/aerospace9010041
[10] https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/ozone0615.pdf
[11] Buchholz, Katharina. « How Ozone-Depleting Gases (Almost) Disappeared. » Digital image. January 16, 2023. Accessed January 13, 2025. https://www.statista.com/chart/29118/ozone-depleting-chemicals/
[12] https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/indicators/production-and-consumption-of-ozone
[13] https://earthobservatory.nasa.gov/images/153523/ozone-hole-continues-healing-in-2024
[14] https://svs.gsfc.nasa.gov/31253/#section_credits
[15] https://www.mpic.de/5558626/impact-of-wildfires-on-ozone-layer
[16] Damany-Pearce, L., Johnson, B., Wells, A. et al. Australian wildfires cause the largest stratospheric warming since Pinatubo and extends the lifetime of the Antarctic ozone hole. Sci Rep 12, 12665 (2022). https://doi.org/10.1038/s41598-022-15794-3
[17] https://www.gao.gov/assets/gao-22-105166.pdf
[18] Forster, P., Storelvmo, T., Armour, K., Collins, W., Dufresne, J.-L., Frame, D., Lunt, D. J., Mauritsen, T., Palmer, M. D., Watanabe, M., Wild, M., and Zhang, H.: The Earth’s Energy Budget, Climate Feedbacks, and Climate Sensitivity. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, edited by: Masson-Delmotte, V., Zhai, P., Pirani, A., Connors, S. L., Péan, C., Berger, S., Caud, N., Chen, Y., Goldfarb, L., Gomis, M. I., Huang, M., Leitzell, K., Lonnoy, E., Matthews, J. B. R., Maycock, T. K., Waterfield, T., Yelekçi, O., Yu, R., and Zhou, B., Cambridge University Press, 923 Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, 923–1054 pp., https://doi.org/10.1017/9781009157896.009, 2021.
[19] Duy-Hieu Nguyen, Chitsan Lin, Chi-Thanh Vu, Nicholas Kiprotich Cheruiyot, Minh Ky Nguyen, Thi Hieu Le, Wisanukorn Lukkhasorn, Thi-Dieu-Hien Vo, Xuan-Thanh Bui, Tropospheric ozone and NOx: A review of worldwide variation and meteorological influences, Environmental Technology & Innovation, Volume 28, 2022, 102809, https://doi.org/10.1016/j.eti.2022.102809.