Et si on recyclait les pneus usés … à l’aide de molécules naturelles
Une étude récente publiée dans la littérature scientifique fait le point sur toutes les méthodes employées pour recycler des pneus usagés. Cette étude, publiée par l’Université de Liège, compare toutes les options de recyclage possibles et pèse le pour et le contre. Alors ? Des pistes de recyclage qui utiliseraient des molécules naturelles sont aussi décrites. Est ce vraiment prometteur ?
On doit l’invention du pneu à un vétérinaire de formation, John Boyd Dunlop, qui après avoir breveté son invention de pneu à air avec valve, ouvre en 1889 la première manufacture de pneumatiques. Depuis, cette industrie ne cesse de prospérer avec des projections de vente qui en 2019 atteignaient plus de 258 milliards de dollars (soit une hausse annuelle de plus de 4%). Entre l’invention de Dunlop et le pneu de votre voiture, un gouffre technologique s’est créé. Un pneu est à présent une pièce technologique hautement raffinée, profilée, composée de multiples « couches » dont chacune exerce une fonction particulière et est composée d’entités chimiques différentes. Ainsi, la « couche » la plus externe, en contact direct avec la route (et qui va donc essuyer de nombreuses forces de friction), n’a pas la même composition que les parties les plus internes de pneus.
Schématiquement, on peut cependant affirmer qu’un pneu est composé à presque la moitié de caoutchouc et d’élastomères (Figure 1). Attention, on ne parle pas ici d’un seul polymère. Un pneu est composé d’un mélange de caoutchoucs naturels et de caoutchouc dits « de synthèse » dont les proportions dépendent de l’usage de votre pneumatique.
Figure 1. Composition chimique moyenne (exprimée en pourcentages massiques) d’un pneu de voiture
Outre les métaux, les textiles, le noir de carbone et la silice qui vont donner des propriétés fonctionnelles, mécaniques, spécifiques au pneumatique, on retrouve également des agents de vulcanisation. Typiquement, ce sont des molécules soufrées, ou des oxydes de zinc ou des acides gras, qui vont permettre d’assurer la formation d’un réseau entre les chaines de caoutchouc. Sans ces agents de vulcanisation, nécessaires à la réticulation, votre pneu ne serait qu’un mélange visqueux et non pas un pièce d’une extrême robustesse.
On l’a bien compris: les pneumatiques sont des objets de notre quotidien, dont la production (et la demande) ne cesse d’augmenter. Un pneu est également un objet inflammable, souvent stocké dans des décharges à ciel ouvert, offrant un risque certain de pollution et de vectorisation de certaines maladies (les eaux stagnantes dans les pneumatiques permettent le développement par exemple de certains moustiques)(Turer et al. 2012, Trends Prespectives, 195-212). Il existe donc un réel besoin de définir des options de recyclage pérennes, économiquement pertinentes, mais également ayant le moins d’impact possible sur l’environnement. A titre d’exemple, en Belgique, en 2015, ce ne sont pas moins de 81.000 Tonnes de pneus usés qui ont été récoltés par les filières de collecte (Source: ecoconso.be, année de référence 2015).
Il existe différentes stratégies de recyclage envisageables pour un pneu usagé. Une de ces stratégies consiste notamment à utiliser les pneus usés comme combustibles dans certaines entreprises.
La seconde stratégie, la plus prisée, est sans nul doute de récupérer les différents composants qui constituent le pneu pour pouvoir les revaloriser. Même si cette option semble évidente et élégante, il n’en reste pas moins qu’elle confronte la communauté scientifique à un challenge technologique. Il faut en effet être capable de maîtriser la dévulcanisation. En clair, il faut être capable de rompre le réseau de liaisons chimiques, très stables, qui a été formé entre les chaines de polymère. Entre méthodes physiques, chimiques, utilisation de solvants, de catalyseurs, de méthodes alternatives comme les ultrasons, de méthodes thermochimiques (comme par exemple la pyrolyse), chacune présente des potentialités techniques évidentes. Il est en effet possible de dévulcaniser efficacement un pneu en fin de vie pour récupérer des caoutchoucs avec des propriétés physico-chimiques comparables aux propriétés de caoutchoucs « vierges ». Il est même ainsi envisageable de réintroduire ces caoutchoucs recyclés dans de nouveaux matériaux. Il s’agit donc d’un bel exemple d’économie circulaire.
Mais les chercheurs estiment aujourd’hui qu’il est possible d’améliorer ces procédés de dévulcanisation en minimisant leurs impacts sur l’environnement. Comment ? En intégrant par exemple des molécules dévulcanisantes issues de la biomasse végétale comme le disulfure d’allyle (retrouvé dans l’ail) ou la térébenthine (la fameuse résine obtenue dans les résineux). Il est même aussi possible d’utiliser les micro-ondes comme une source de chauffage alternative pour la dévulcanisation.
La recherche de méthodes plus respectueuses de l’environnement est loin d’avoir dit son dernier mot…
A lire pour plus d’informations: L. Bockstal, T. Berchem, Q. Schmetz, A. Richel « Devulcanisation and reclaiming of tires and rubber by physical and chemical processes: a review » Journal of Cleaner Productions 236 (2019) 117574